Regards Croisés
À Bordeaux, « classicisme » n’est pas un vain mot. Certaines propriétés perpétuent, dans le style de leurs vins comme dans la construction de leur image, une aura de constance qui leur sied bien. Branaire- Ducru est de celles-là. Cela tient sans doute à son histoire, qui a été écrite par quatre familles successives depuis Jean-Baptiste Branaire en 1680. Cela tient certainement à son vignoble, pratiquement inchangé depuis le classement de 1855 : 60 hectares sur le plateau de Beychevelle, une taille moyenne pour l’appellation Saint-Julien – souvent considérée elle-même comme la plus « classique » du Médoc, entre l’élégance de Margaux et la puissance de Pauillac, elle concentre onze grands crus classés sur dix-neuf propriétés et 910 hectares. Si l’on devait résumer le style Saint-Julien en un seul vin, c’est peut-être ici que l’on viendrait le chercher, au Château Branaire-Ducru où la famille Maroteaux cultive depuis plus de trente ans une certaine idée de l’understatement médocain.
En 1988, Patrick Maroteaux achète Branaire-Ducru sans avoir d’autre expérience dans le vin que celle d’en être un amateur fervent. Bien que sa famille soit de tradition agricole dans l’Aisne, lui, le dernier d’une fratrie de cinq enfants, s’est orienté avec succès vers la banque. Mais le vin, jusqu’ici une passion, va devenir sa vie. À partir de 2000, il vient habiter à temps plein à Saint-Julien pour se consacrer totalement à la propriété.Entre-temps, des investissements ont été impulsés, à la vigne comme au chai, et la distribution des vins a été totalement remise à plat.